Dans son arrêt du 15 mars 2021, la Cour de justice de la CEDEAO a exposé en détail les nombreuses violations du droit cap-verdien (ainsi que du droit international) survenues lors de l’arrestation et de la détention d’Alex Saab. C’est pourquoi la Cour a rendu une décision unanime et exécutoire dans laquelle elle déclare que la détention et l’incarcération ultérieure d’Alex Saab étaient illégales et que, par conséquent, il devait être immédiatement libéré et la procédure d’extradition clôturée. L’arrêt historique a été lu par le rapporteur de la Cour, la juge Januária Tavares Silva Moreira Costa, une ancienne ministre de la Justice du Cap-Vert.
M. Jose Landim, procureur général du Cap-Vert, a déclaré que l’arrêt de la Cour de la CEDEAO devait être ignoré au motif qu’il n’était pas contraignant pour les autorités cap-verdiennes. Cependant, ayant admis que le mandat d’arrêt de la demande d’extradition du 29 juin 2020 n’était pas au nom d’Alex Saab mais au nom d’un autre individu, M. Landim a prié le Tribunal constitutionnel de considérer cette faute grave comme une « banale erreur » qu’il cherche désormais à corriger.
Un autre élément mentionné par le procureur général est que l’alerte rouge qui, selon lui, a servi de motif à l’arrestation initiale d’Alex Saab n’était pas appuyée par un mandat d’arrêt. Il est établi que les États-Unis n’ont pas fourni un mandat d’arrêt valide à Interpol ou au Cap-Vert et qu’il n’existe aucun mandat d’arrêt autorisé par un quelconque tribunal du Cap-Vert justifiant la détention d’Alex Saab le 12 juin 2020. Bien que le procureur général n’apporte pas de réponse aux erreurs incorrigibles ayant caractérisé l’arrestation et la détention abusives d’Alex Saab, il a exhorté le Tribunal constitutionnel à ignorer celles-ci.
Nous sommes convaincus que le Tribunal constitutionnel n’éprouvera aucune difficulté à rejeter les demandes du procureur général étant donné qu’elles ne sont pas fondées en droit. De plus, il est bien établi en droit qu’un tribunal est légalement tenu d’annuler l’arrestation ou la détention de tout suspect criminel ou détenu politique effectuée en dehors du cadre de la loi d’habilitation. Dans l’arrêt « Singh contre la Cour suprême de Delhi » paru au journal 326, il a été décidé ce qui suit : « Ce tribunal a souvent réitéré auparavant que ceux qui s’estiment appelés à priver d’autres personnes de leur liberté personnelle dans l’exercice de ce qu’ils considèrent leur fonction doivent strictement et scrupuleusement respecter les règles du droit. »
Aux pages 251-256 d’Interpretation of Statute, 12e édition, l’auteur érudit Maxwell a examiné le principe devant être observé concernant les statuts portant atteinte aux droits et a déclaré en page 21 :
« Les statuts portant atteinte aux droits du sujet, qu’il s’agisse d’une personne ou d’un bien, sont soumis à une stricte interprétation, au même titre que les lois pénales. Selon une règle reconnue, ceux-ci doivent être interprétés, si possible, de manière à respecter de tels droits et, en cas d’ambiguïté, l’interprétation en faveur de la liberté de l’individu doit être retenue. »
Il existe des cas dans la jurisprudence de nombreux pays (y compris d’Afrique de l’Ouest) dans lesquels une erreur administrative ou une faute d’orthographe dans le nom de l’accusé a servi de motif pour l’abandon des charges par le tribunal ou pour la libération d’une personne par la police. Par exemple :
Au vu des éléments susmentionnés, la détention d’Alex Saab ne saurait être justifiée en vertu du droit cap-verdien et du droit international. Le procureur général a admis que le mandat d’arrêt n’était pas au nom d’Alex Saab mais au nom d’un autre individu. Le Tribunal constitutionnel ne peut se permettre d’être utilisé par le procureur général pour justifier l’illégalité de l’arrestation et de la détention d’Alex Saab. De plus, la demande de modification du vice incurable du mandat devrait être rejetée étant donné que les autorités responsables de la détention n’ont pas respecté les dispositions de la constitution et du code pénal du Cap-Vert en ce qui concerne l’arrestation et la détention d’Alex Saab. Compte tenu des faits et des circonstances de cette affaire, le Tribunal constitutionnel ne devrait pas hésiter à rejeter la demande illégale du procureur général et ordonner la libération immédiate d’Alex Saab de sa détention abusive.
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